Vie chrétienne

La formation du caractère (2) : quel ennéagramme ?

La formation du caractère (2) : quel ennéagramme ?

Nous nous inscrivons dans une histoire qui nous précède et qui nous succède. Ainsi, notre vie présente se situe toujours à la jonction d’un passé qui la porte et d’un futur vers lequel elle tend. Sans passé, ni futur, pas non plus de présent. Le post précédent introduisait au fait que chaque période historique porte en elle des orientations particulières qui font que l’homme animiste, héroïque, classique, moderne ou postmoderne dispose de différentes définitions du soi, de l’idéal du soi et du travail de développement que chacun est invité à mener. Faisons un zoom sur deux schémas prévalant pour celui qui vit aujourd’hui en France.

Le schéma moral classique

Poursuivons avec MacIntyre[1]. Selon lui, le schéma moral qui prédomine, depuis Aristote et jusqu’à la fin du moyen-âge est structuré autour d’une vision tripartite de l’homme :

  1. L’homme tel qu’il est dans sa nature humaine à l’état brut.
  2. L’homme tel qu’il pourrait être s’il réalisait sa nature essentielle, son but, sa finalité (telos).
  3. Les préceptes qui prescrivent les vertus, proscrivent les vices et qui apprennent à l’humain à réaliser sa vraie nature, à atteindre sa vraie fin.

La science qui définit et qualifie ces préceptes se nomme l’éthique. Elle s’ancre premièrement avec Aristote dans le champ de la raison. Avec l’expansion du christianisme, elle ajoute au champ de la raison les éléments propres à la loi divine. C’est l’avènement de la scolastique qui concilie raison et foi, toujours comme structure guidant l’homme de sa nature humaine brute à sa vraie fin.

 

Le schéma moderne

Ce schéma va être remis en cause par les Lumières et leurs successeurs alors qu’ils redéfinissent la portée de la raison. Celle-ci ne peut discourir que des moyens et ne peut que garder silence sur les fins.

La raison des Lumières rejette la vision téléologique de la nature humaine, la vision de l’homme comme doté d’une essence qui définit sa vraie fin. Il n’y a pas deux hommes, celui qui est et celui qui pourrait être, mais il n’y en a qu’un : l’homme tel qu’il est vraiment, objectivement, à l’état brut. Dès lors, l’éthique devient bancale et est perçue comme un carcan de règles limitantes dont la raison aide justement à se libérer. Nous assistons à la naissance de … l’individu ! dans un schéma moral que les classiques qualifieront
« d’appauvri » et que les modernes qualifieront de « libéré » : l’homme tel qu’il est dans sa nature humaine, à l’état brut, sans fin ni précepte qui soit extérieur à sa raison propre.

 

Quel ennéagramme ?

Les débats courent sur la genèse de l’ennéagramme. Certains y voient des sources et influences anciennes. D’autres distinguent entre le schéma de l’ennéagramme aux sources anciennes possibles et l’ennéagramme des personnalités comme conceptualisation moderne[2]. Quoiqu’il en soit, nous ne pouvons que constater que la théorie de l’ennéagramme reprend pleinement la vision morale classique tripartite :

  1. la nature humaine à l’état brut que l’ennéagramme nomme l’ego ou encore la fausse personnalité.
  2. L’homme tel qu’il pourrait être s’il réalisait sa nature essentielle que l’ennéagramme nomme l’essence ou encore la vraie personnalité. Ainsi, parmi les meilleurs spécialistes de l’ennéagramme en France, Fabien et Patricia Chabreuil mentionnent des présupposés indispensables à l’ennéagramme parmi lesquels :
    1. « L’univers a une finalité ; il obéit à un plan qui le fait tendre vers cette finalité.
    2. L’existence de tout ce qui est, et donc de l’être humain, fait partie de ce plan et ne peut pas ne pas en faire partie[3]. »
  3. Les préceptes pour passer de l’un à l’autre. Et c’est bien là que les moyens proposés, les manières de faire vont suivre des lignes assez différentes et que les auteurs de l’ennéagramme vont se trouver en désaccord.

 

Trois lignes éthiques

  1. Un premier groupe d’auteurs fait appel à des préceptes psycho-spirituels pour conduire l’homme vers sa vraie fin. Ils explorent et utilisent des pratiques spirituelles de toutes origines et les mêlent aux apports des sciences humaines dans une ligne que nous pourrions qualifier de « développement psycho-spirituel ». Citons les pères fondateurs de l’ennéagamme des personnalités : Oscar Ichazo et Claudio Naranjo. Parmi les auteurs plus récents, nous pouvons rattacher à cette ligne Don Riso et Russ Hudson ou encore Fabien et Patricia Chabreuil.
  2. Un second groupe d’auteurs met l’accent sur des préceptes davantage issus des sciences humaines, en déclinant l’ennéagramme par domaine : la vie professionnelle, la confiance en soi, le couple… On pourrait qualifier cette ligne de « développement personnel ». Citons Helen Palmer et l’école californienne et ceux, contemporains, qui s’en réclament aujourd’hui : Ginger Lapid-Bogda, Eric Salmon ou encore Philippe Halin et Jacques Prémont.
  3. Enfin, un troisième groupe met l’accent sur des préceptes spirituels qualifiés, ceux de la foi chrétienne. C’est ainsi que Bob Ochs introduit l’ennéagramme chez les jésuites, préfigurant le premier ouvrage à paraître sur l’ennéagramme en 1984 par Maria Beesing, Richard Nogosek, Patrick O’Leary. Dans cette perspective que l’on pourrait qualifier de « développement chrétien », mentionnons encore Richard Rohr ou Pascal Ide. Bien modestement, c’est à cette ligne que nous aimerions apporter une contribution, espérant que l’ennéagramme nous aide dans la tâche d’être un peu mieux formés à la ressemblance du Christ.

Photos gratuites de Christ, ciel, cimetière, contre-plongée

[1] Alasdair C MacIntyre, Après la vertu: étude de théorie morale, 2ème édition, Paris, Presses universitaires de France, 2013. Voir en particulier le chapitre 5 « Pourquoi le projet des Lumières devait échouer » p. 51-61.

[2] Fabien Chabreuil, Patricia Chabreuil, Le grand livre de l’ennéagramme: les 9 types de personnalité. Voir en particulier le chapitre « Historique de l’ennéagramme » , p. 349-360.

[3] Citation extraite du stage « Essence » donné à l’Institut Français de l’Ennéagramme en Octobre 2017.

1 Commentaire

  1. […] Nos présupposés moraux, l’histoire à laquelle nous nous rattachons et vers laquelle nous tendons forment donc le cadre dans lequel s’inscrit notre travail sur soi. Voir la suite […]

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