EnnéagrammeVie chrétienne

Joseph ou le Comte de Monte-Cristo (4/7), récits comparés

Une vengeance qui mène trop loin

Les derniers chapitres de Dumas donnent le ton : « l’expiation » (chapitre LV) puis « le pardon » (chapitre LX). Après avoir implacablement combattu ses ennemis sans se dévoiler, il est temps pour Dantès de cesser le jeu en simple aveugle et de révéler à ses ennemis sa vraie identité et son motif. Fernand, humilié et déshonoré, choisit le suicide. Dantès se révèle ensuite à Villefort :

– Je suis Edmond Dantès !
– Tu es Edmond Dantès ! s’écria le procureur du roi en saisissant le comte par le poignet ; alors, viens !

Et il l’entraîna par l’escalier, dans lequel Monte-Cristo étonné, le suivit, ignorant lui-même où le procureur du roi le conduisait, et pressentant quelque nouvelle catastrophe.

– Tiens ! Edmond Dantès, dit-il en montrant au comte le cadavre de sa femme et le corps de son fils, tiens ! regarde, es-tu bien vengé ?…

Monte-Cristo pâlit à cet effroyable spectacle ; il comprit qu’il venait d’outrepasser les droits de la vengeance ; il comprit qu’il ne pouvait plus dire :

– Dieu est pour moi et avec moi[1].

 

S’ensuit une tentative désespérée de ranimer l’enfant innocent et sans vie, mais rien n’y fait. Pendant ce laps de temps, Villefort bascule dans la folie, ajoutant à toutes ses pertes celle de sa raison.

 

Monte-Cristo recula avec terreur.

– Oh ! dit-il, il est fou !

Et comme s’il eût craint que les murs de la maison maudite ne s’écroulassent sur lui, il s’élança dans la rue, doutant pour la première fois qu’il eût le droit de faire ce qu’il avait fait.

– Oh ! assez, assez comme cela, dit-il, sauvons le dernier[2].

Le chemin du pardon

Le dernier, c’est justement le banquier Danglars que Dantès a fait enfermer et auquel il soutire patiemment une somme démesurée à chaque repas que celui-ci prend. A terme, le banquier n’aura plus de quoi payer et devra simplement… mourir de faim, rappel du type de mort vécue par le père de Dantès. Alors que le banquier prend conscience de sa fin inéluctable, se rationne pour en retarder l’échéance, Dantès se révèle à lui. Mais cette fois-ci, nouvellement. Non pour en finir, mais pour pardonner :

– Vous repentez-vous au moins ? dit une voix sombre et solennelle, qui fit dresser les cheveux sur la tête de Danglars. […]
– De quoi faut-il que je me repente ? balbutia Danglars.
– Du mal que vous avez fait, dit la même voix.
– Oh ! oui, je me repens ! je me repens ! s’écria Danglars.

Et il frappa sa poitrine et son poing amaigri.

– Alors je vous pardonne, dit l’homme en jetant son manteau et en faisant un pas pour se placer dans la lumière
– Le comte de Monte-Cristo ! dit Danglars […]
– Vous vous trompez ; je ne suis pas le comte de Monte-Cristo. […] je suis celui dont vous avez fait mourir le père de faim, qui vous avait condamné à mourir de faim, et qui cependant vous pardonne, parce qu’il a besoin lui-même d’être pardonné. Je suis Edmond Dantès [3]!

Ce pardon donné, dont Dantès a autant besoin que Danglars, rend les deux hommes libres de se quitter et d’aller vers la vie. Dantès peut enfin s’ouvrir à une réalité qu’il n’a pas encore accueillie tout au long de ces années passées à poursuivre la vengeance, celle de l’amour qui enfin devient possible auprès de Haydée :

– Mais tu m’aimes donc ? […]
Le comte senti sa poitrine s’élargir et son cœur se dilater ; il ouvrit ses bras, Haydée s’y élança en jetant un cri.
– Oh ! oui, je t’aime ! dit-elle, je t’aime comme on aime son père, son frère, son mari ! […]
– Qu’il soit donc fait ainsi que tu le veux, mon ange chéri ! dit le comte ; Dieu, qui m’a suscité contre mes ennemis et qui m’a fait vainqueur, Dieu, je le vois bien, ne veut pas mettre ce repentir au bout de ma victoire ; je voulais me punir, Dieu veut me pardonner. Aime-moi donc, Haydée ! Qui sait ? ton amour me fera peut-être oublier ce qu’il faut que j’oublie.
– Mais que dis-tu donc là, mon seigneur ? demanda la jeune fille.
– Je dis qu’un mot de toi, Haydée, m’a plus éclairé que vingt ans de ma lente sagesse ; je n’ai plus que toi au monde, Haydée ; par toi je me rattache à la vie, par toi je puis souffrir, par toi je puis être heureux[4].

La leçon de vie

Une dernière lettre adressée à Maximilien Morrel ferme alors le récit :

Dites à l’ange qui va veiller sur votre vie, Morrel, de prier quelque fois pour un homme qui, pareil à Satan, s’est cru un instant l’égal de Dieu, et qui a reconnu, avec toute l’humilité d’un chrétien, qu’aux mains de Dieu seul sont la suprême puissance et la sagesse infinie. Ces prières adouciront peut-être le remords qu’il emporte au fond de son cœur[5].

Le lecteur peut enfin souffler, après avoir accompagné Dantès à contre cœur dans son terrible projet de vengeance. Enfin, un nouveau registre s’ouvre, celui du pardon et de l’amour. N’y a-t-il pas là instruction à en tirer ? (lire la suite).

[1] Alexandre DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, volume I, Paris, Presses de la Renaissance, 1972, Chapitre LV, « l’expiation », p. 527.

[2] Ibid.

[3] Ibid., Chapitre LX, « Le pardon », p. 573.

[4] Ibid., Chapitre LXI, « le 5 Octobre » p. 585.

[5] Ibid., Chapitre LXI, « le 5 Octobre » p. 586.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 %